TRIBUNE : «QUI ÊTES-VOUS VRAIMENT, MR LE PRÉSIDENT ?»

Le peuple d’abord ! C’est sous ce slogan cher à feu Etienne Tshisekedi, homme de valeurs et de convictions que l’actuel régime chapeauté par son fils tient à inscrire son action à la tête du pays. Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement en terme de stratégie de développement ? A cette question, les sympathisants du parti présidentiel répondent vaguement (à mon gout) qu’il s’agit de mettre l’intérêt du peuple congolais au centre de toute politique publique. Bon, après tout, on en attend pas moins d’un parti qui se revendique de gauche sociale.

Cela dit, on peut toutefois s’interroger sur l’idéologie réelle des tenants de cette ligne au-delà des slogans populaires, révolutionnaires et même démagogiques parfois.  En effet dès la prise en main du pays par ses nouveaux dirigeants, j’ai été frappé par la volonté de ceux-ci à vouloir se faire bien voir aux yeux de la très utopique communauté internationale dont on sait tous qu’elle est surtout occidentale. Cela s’est illustré sur deux fronts : d’abords sur le terrain national avec la libération des prisonniers politiques, une décision tout à fait salutaire d’ailleurs, ensuite et surtout sur le terrain extérieur, avec la multiplication des voyages présidentiels pour vendre la nouvelle doctrine des droits de l’homme et de la démocratie chère aux dirigeants occidentaux.  Cette opération de séduction a signé le retour en force des institutions ultralibérales de la finance mondiale, les adorateurs de la croissance et de la flexibilité, FMI et banque mondiale en tête. Ceux-là même qui nous ont promis des lendemains qui chantent avec leurs plan d’ajustements structurelles dont on connaît les succès.

Le paradoxe c’est qu’au moment où nous leurs déroulons le tapis rouge, le modèle économique et de développement qu’ils continuent de défendre d’arrache pieds, c’est-à-dire le libéralisme libertaire économique, culturelle mais aussi l’individualisme, montre ses limites encore aujourd’hui en ce temps de Covid-19 où non seulement ce sont les pays souverainistes et protectionnistes qui s’en sortent les mieux  mais l’on redécouvre aussi des valeurs que leur idéologie n’a pas fini de détruire à savoir la solidarité et l’humilité devant la mort entre autre. Les européens qui ont délocalisé leurs industries, déléguer leurs pouvoirs de décisions aux organisations supranationales, abolit leurs frontières et dénudé leurs puissances publiques sont gravement touchés.

Bien avant cette crise déjà, on a vu que les peuples européens, en particulier la classe moyenne ne sont plus en phase avec ce modèle. L’écart entre les desiderata du peuple et les politiques menés par leurs dirigeants est importante. Cela s’est concrétisé dans les urnes d’un côté et dans la rue de l’autre. En Grande Bretagne avec le Brexit, aux USA avec l’élection de Donald Trump, l’arrivée des nationalistes au pouvoir en Italie, en Pologne, en Hongrie, mais aussi dans la rue avec les gilets jaunes en France.

Nous avons l’habitude d’attendre sur nos ondes de radio et de télévisions des analystes politiques autoproclamés qui nous rabattent les oreilles avec l’alliance de gouvernement CACH et FCC qui serait contre nature. Peut-être bien ! mais là n’est pas le scandale. Le scandale c’est quand un président qui se dit de gauche sociale et moderne trouve que le salut de son peuple passe par la banque mondiale, la BAD, le FMI, l’USAID, l’UA ou je ne sais quel sigle.

Auguste Compte disait à juste titre, que ce sont les morts qui gouvernent les vivants. Pourquoi nous est-il si difficile de tirer des leçons du passé ? L’histoire nous est-elle donc d’aucune utilité à ce point ?

« Peuple », ce mot que les libéraux n’aiment pas entendre, Comment défendre ses intérêts avec des gens qui ne croient qu’à l’individu ? Margaret Thatcher, ex première ministre de grande Bretagne, a bien résumé l’idéologie libérale ; « Il n’existe pas de société, il n’y a que des individus » disait-elle. Comment croire « le peuple d’abord » quand on s’associe avec ceux qui prônent le désengagement des Etats dans les services publics, la suppression des frontières et des nations, les délocalisations d’entreprises, les bas salaires, le libre échange sauvage au profit des 1% de la population mondiale, la soumission de l’espèce au progrès scientifique et technologique, l’uberisation du travail, la croissance au détriment du développement humain, le consumérisme et j’en passe.

Il est peut-être venu le moment pour nos dirigeants de nous dire la vérité. Qui sont-ils vraiment ? Soit, assumer la ligne libérale actuelle qui est celle de laisser l’avenir des congolais entre les mains « très soucieuses » du marché international, soit changer de cap et retourner aux fondamentaux, ou alors, admettre qu’il n’y’a aucune stratégie, qu’on est impuissant et que l’on tourne avec le vent. Ce qui est un scandale.

 

 

Par Ntwali Matabaro Patrick

Éditorialiste Le HautPanel

 

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