Le mouvement citoyen non-partisan et non-violent, Lutte pour le Changement (LUCHA), a alerté les autorités congolaises au sujet de l’aggravation des inégalités entre les élites politiques et le reste de la population, dans un rapport qui dresse le bilan des 12 mois de la deuxième année de Félix Tshisekedi au pouvoir.
Selon ce rapport, l’élite politique a mis en place un écosystème qui broie les pauvres. Seuls les acteurs politiques présents dans les institutions ont un salaire décent et élevé contrairement aux autres groupes sociaux. Les militaires, les fonctionnaires, les policiers, les enseignants, etc. ont un salaire dérisoire de moins de 200 dollars américains qui ne couvre pas les deux bouts du mois. Contrairement aux animateurs des institutions nationales et provinciales qui touchent plus de 100 fois le salaire moyen d’un militaire. L’exemple des émoluments d’un député qui s’élèvent autour de 6000 dollars suffit pour montrer que les inégalités sont bien réelles en République Démocratique du Congo.
«Il est difficile de savoir le salaire d’un ministre, du président de la République, ou d’autres officiels. Ce qui est vrai est que le train de vie des institutions consomme l’essentiel du budget national. Il est à signaler que ces inégalités sont à la base de pratiques de la débrouille et de l’informalité des divers secteurs. Ces dernières conduisent à la corruption, ancrée dans les processus institutionnels et sociétaux», souligne la LUCHA dans son rapport.
Elle est banalisée dans la société congolaise à tel point qu’il finit par déstructurer la société elle-même et de dévorer les pauvres qui ne peuvent pas s’y adapter. L’exemple plus révélateur est le fait que l’agence de lutte contre la corruption mise en place par le président de la république dans le cadre de sa bataille de lutte contre la corruption a été trempée et attrapée mains dans le sac dans la corruption et harcèlement financier contre Acces Bank.
Le fait s’est déroulé au début de mois de décembre 2020 lorsque les agents de cette agence se sont introduits dans la banque à 21h pour le retrait illicite de 30 milles dollars en cash (les règles de la BCC disent qu’on ne peut pas retirer plus 10 miles dollars au guichet) pour un motif de paiement de caution contre la libération du directeur de la banque supposé être arrêté pour blanchiment de capitaux, alors que cela ne ressort pas des compétences de l’agence mais de la justice.
Les auteurs de ces actes sont à ce jour, introuvables et d’autres continuent de jouir de l’impunité suite à leur responsabilité dans ces faits graves. Une enquête aurait été ouverte à ce sujet. Les résultats de ces enquêtes et leurs conséquences judiciaires attendues seront une épreuve de l’effectivité de la lutte contre la corruption tant annoncée !
«Ces inégalités socio-économiques sont encore plus marquées entre les espaces urbains et ruraux. Les politiques publiques mises en place en RDC se focalisent seulement sur les espaces urbains en excluant les espaces ruraux qui sont d’ailleurs moins connectés aux espaces urbains puisque les infrastructures routières qui doivent relier les espaces sont quasi inexistantes et sont très délabrées. C’est l’exemple du programme dit de 100 jours qui consistait entre autres à construire des sauts-de-mouton sur certaines artères principales de Kinshasa», indique la LUCHA.
Chose surprenante est de réaliser que ces viaducs (6 au total) qui ont coûté près de 400 millions de dollars au Trésor n’ont pas été achevés dans le délai imparti de 100 jours. Aujourd’hui, ces infrastructures (2 encore) en chantier contribuent à alourdir la circulation à Kinshasa, une mégapole déjà submergée par les embouteillages par insuffisances des infrastructures routières adéquates et modernes qui prennent en compte l’évolution et la croissance de la population.
L’organisation du transport dans cette ville est défaillante car le transport collectif engage à la fois le privé (pour l’essentiel), le public (en faible quantité) et les petits engins roulants (moto, trois roues) pour assurer la mobilité quotidienne des habitants. Les seules routes reliant les villes et les villages (les relations villes-campagnes) qui existent ne sont pas entretenues en dépit que les usagers payent des taxes routières.
La mobilité urbaine, interurbaine, ou interrégionale est difficile à pratiquer à cause de l’absence d’un plan d’aménagement du territoire qui se lit à partir de la grille de l’absence des routes et d’autres types de voies de communication. La voie aérienne est plus coûteuse et donc réservée à une classe sociale aisée ou de la classe moyenne supérieure. Tandis que la voie maritime est moins pratiquée à cause du manque des infrastructures et de la sécurité maritime. Sauf dans une certaine mesure, sur certains lacs de l’est du pays, une pratique de la voie lacustre est développée permettant ainsi de relier les villes de la région. L’exemple est du trafic lacustre entre Goma et Bukavu via le Lac Kivu.
Dans d’autres voies aquatiques (dans la province de l’ex Bandundu), les cas de noyades sont signalés régulièrement à cause de la vétusté des engins et du manque des infrastructures. Par ailleurs, la voie ferrée est moins développée en RDC. Le chemin de fer qui existe encore aujourd’hui remonte de la période coloniale. Sur la voie reliant l’ex Katanga à l’espace Kasaï, les infrastructures ferrées sont délabrées mais aussi les trains sont vétustes, ce qui fait que les accidents sont fréquents sur ces voies. Il importe de remarquer que l’essentiel des recettes mobilisées en RDC est consommé à Kinshasa au détriment des autres provinces.
«La caisse de péréquation mise en place par la décentralisation n’a toujours pas été effective afin de corriger ces inégalités entre les provinces. Ces inégalités au profit de Kinshasa sont à la base de la migration des populations des provinces voisines vers la ville de Kinshasa. Cette migration s’appuie souvent sur des réseaux sociaux, familiaux et religieux. Tout le monde veut aller à Kinshasa pour y chercher un emploi et de la sécurité dans une autre mesure (pour ceux qui viennent des régions affectées par les conflits)», précise la LUCHA.
Cette mobilité décidée, voulue ou subie vers Kinshasa vient contribuer à mettre de la pression sur le peu d’infrastructures sociales et économiques qui existent et participe à l’accélération d’une urbanisation sauvage des périphéries de Kinshasa.
Le Hautpanel